Pourquoi la course aux nouveaux gadgets doit céder la place à la réutilisation

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Albane Bruyas
Temps de lecture 5 min

La rapide évolution de la technologie nous pousse à rechercher la nouveauté. Smartphones, ordinateurs, gadgets… nous voulons le dernier modèle, même quand nous n’en avons pas besoin, y compris quand l’ancien marche parfaitement bien.

Cela ne s’applique pas seulement aux consommateurs. Cette course aux nouvelles technologies concerne tout autant le monde du B2B. Pour se distinguer et rester en tête de peloton, il faut proposer des technologies toujours plus rapides, performantes, innovantes, à la pointe de la pointe.

Le problème est que nous laissons derrière nous un monceau d’équipements technologiques tout à fait fonctionnels, ou pouvant être facilement reconditionnés. Au lieu de cela, nous les jetons avant leur fin de vie et ils finissent dans des décharges où ils répandent des matières toxiques dans le sol et les eaux. Et cela ne fait qu’ajouter à la pollution émise dès le départ lors de la fabrication. En effet, environ 90 % de l’empreinte carbone d’un smartphone est dûe à sa fabrication et seulement 10 % à son usage.

En moyenne, les Européens changent de téléphone tous les trois ans. Prolonger la durée de vie d’un portable à quatre ans pourrait drastiquement réduire les émissions de carbone. Cela reviendrait à retirer 2 millions de voitures de la circulation chaque année, l’équivalent du parc automobile d’Irlande.

Alors que l’impact environnemental du numérique fait l’objet d’une vigilance accrue, nous devons apprendre de toute urgence à être plus performants, tout en réduisant notre consommation. Le numérique avance à pas de géant et son empreinte carbone devrait doubler d’ici 2025. Si nous voulons changer la donne, chacun doit être attentif aux conséquences de ses actes et prendre ses responsabilités.

Heureusement, des individus, des entreprises et des États se mobilisent de façon concrète en faveur de la sobriété technologique.

Longue vie aux objets !

Les efforts nationaux de sensibilisation, comme la vidéo « Longue vie aux objets » sortie récemment en France et les initiatives du « droit à la réparation », de plus en plus populaire dans les pays occidentaux (notamment grâce à des actions citoyennes), se rejoignent en un mouvement concerté d’alignement des politiques, des campagnes de sensibilisation et autres actions afin d’en augmenter l’impact. Leur objectif est de changer les comportements et de prolonger la durée de vie des appareils.

Par ailleurs, il devient de plus en plus intéressant pour les entreprises de passer au reconditionnement d’équipements technologiques. Un téléphone portable peut fonctionner plusieurs années malgré un écran fissuré ou une vieille batterie au prix de réparations mineures. Des places de marché dédiées aux objets tech d’occasion, comme Back Market et Swappie, donnent une seconde vie à des appareils qui auraient fini à la décharge. Et elles rencontrent un franc succès !

Les fournisseurs de services cloud cherchent eux aussi à réduire l’impact environnemental de la tech. Pour satisfaire la demande, les équipements doivent être toujours plus rapides et efficaces. Résultat : un écosystème où le cycle de vie moyen d’un disque dur n’est que de trois à quatre ans. Cependant, plusieurs initiatives ont été mises en place pour prolonger la durée d’utilisation du matériel et minimiser l’empreinte environnementale de l’industrie.

Le rôle des fournisseurs cloud

Étant donné l’impact du secteur sur notre planète, les fournisseurs de services cloud se doivent de promouvoir des pratiques durables. Les datacenters représentent environ 1 % de la consommation mondiale d’électricité et hébergent des dizaines de milliers, voire des millions de disques durs chacun.

Curieusement, le secteur a su maintenir sa part de consommation d’électricité à 1 % depuis plusieurs années malgré la forte hausse de la demande. Cet exploit est dû à l’utilisation d’équipements et de logiciels plus efficaces, capables d’une performance accrue tout en consommant moins. Cependant, cette modernisation impliquait de jeter les anciens modèles, ce sur quoi la majeure partie des fournisseurs cloud fermaient les yeux depuis des années.

Cela ne peut continuer. D’ailleurs, avec la crise actuelle des composants électroniques qui s’ajoute aux campagnes d’incitation à la durabilité, réutiliser les équipements est une évidence. Justement, Scaleway milite dans ce sens depuis longtemps déjà, avec son projet Transformers dont l’objectif est de réutiliser environ 14 000 serveurs cette année. Le taux de réussite à ce jour est de 80 à 90 %.

Chacun joue son rôle à sa manière. Par exemple, au lieu de réutiliser ses équipements en interne, Hewlett Packard Enterprise a choisi de les remettre sur le marché, à hauteur de 85 - 90 %.

Alors, fini l’innovation ?

Loin de là ! Il ne s’agit pas de renoncer à du matériel plus efficient et innovant. Contrairement aux smartphones, l’impact d’un disque dur provient majoritairement de son utilisation car il est censé tourner à plein régime 24h/24.

Le perfectionnement des technologies est donc nécessaire pour garder l’impact environnemental de la demande croissante de services cloud sous contrôle. Grâce à des fabricants de composants comme AMD, qui créent des solutions d’une efficacité énergétique sans parallèle, nous serons bien équipés pour la suite.

Cependant, il est essentiel de savoir tirer le maximum de ce dont nous disposons. Après tout, la fabrication d’un serveur est tout de même à l’origine de 15 à 30 % de son empreinte écologique, et il serait irresponsable d’en jeter un s’il fonctionne encore.

Le cycle de vie des disques durs est bien résumé par la « courbe en baignoire » (ci-dessus). Pour stocker 1 To de données, peu importe que le disque soit flambant neuf ou reconditionné, du moment qu’il marche et stocke les données sans problème.

Scaleway travaille donc en étroite collaboration avec des constructeurs informatiques responsables pour que nos nouveaux équipements correspondent aux plus hauts standards d’efficacité. De plus, nous prenons grand soin de nos ressources existantes au travers de campagnes ciblées telles que le projet Transformers mentionné plus haut, mais aussi par des initiatives plus globales comme notre Nursery dédiée à la réutilisation de disques, lancée en 2019.

Dans la Nursery, nous testons tous les types de disques que nous utilisons et en sélectionnons certains selon des critères extrêmement pointilleux pour les requalifier. Seule la moitié, c’est-à-dire environ 17 000 disques ont ainsi été réutilisés en trois ans. Cela représente une économie de 528 tonnes de CO2 et de 1,5 million d’euros.

Pour conclure

L’impact environnemental de la durée de vie des équipements technologiques que nous utilisons reçoit enfin l’attention qui lui est due. Informer et agir de manière concertée aura des répercussions positives au fil de l’évolution du secteur. Pour que cette croissance soit vraiment durable, elle doit être fondée sur la sobriété numérique à tous les niveaux : celui de l’individu, de l’entreprise et de l’État.

Chacun doit jouer son rôle.

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